vendredi 6 juillet 2018

Papilles numéro 49


Grande nouvelle. Le numéro 49 de Papilles, revue de l’Association des Bibliothèques gourmandes que nous attendions avec impatience vient de sortir. Il a été réalisé sous la direction de Monique Calinon, conservateur à la Bibliothèque nationale de France, chargée de collections au département Littérature et art.
Au menu de ce dernier tout ce que vous souhaitez savoir sur le trésor gourmand de nos bibliothèques : BnF avec bien sûr Gallica, Catalogue Collectif de France, BHVP, Bibliothèque municipale de Dijon et j’en oublie.
Mais ce n’est pas tout. Un voyage culinaire vous attend  des anciennes halles de Paris,  au port de Toulon en passant par Lyon,  sans oublier la découverte surprenante des pérégrinations gustatives des étudiants chinois en France.
Et puis vous saurez tout sur la cuisine au micro-ondes, oui c’est possible, et sur les mystères de la véritable purée de pommes de terre.
Sans oublier les dernières actualités de la photographie culinaire 2017…
A lire sans modération.
Anik Buj

mardi 12 juin 2018

« Marché noir » de Michèle Barrière


Michèle Barrière, membre de notre société depuis ses débuts, en un temps sa présidente,  nous livre son seizième polar historique et bien sûr gastronomique : Marché noir, sorti en librairie le 6 juin 2018.
C’est avec grand plaisir que nous retrouvons la saga des Savoisy rencontrée pour la première fois en 1393. Tous ses membres sont férus d’art culinaire qu’ils savent nous faire partager en nous mettant l’eau à la bouche. Ils cuisinent à merveille et nous livrent quelques-unes de leurs meilleures recettes, car ils connaissent tous les plus grands traités culinaires de leur époque et fréquentent souvent de très près leurs auteurs.
Mais, le genre l’exige, nos héros sont toujours mêlés  à des enquêtes criminelles, la mort rôde entourée de suspens. 
Tout a débuté avec Guillaume, maître queux à l’hôtel de Saint Pol (palais royal parisien construit par Charles V) puis de la maison de Louis d’Orléans frère de Charles VI. Sont venus  ensuite François,  Benjamin, Jean-François, Baptiste, Quentin et enfin  Adrien le petit dernier. Celui-ci  rencontré d’abord  en 1929 était enquêteur pour le Guide Michelin. En 1933 alors qu’Hitler est au pouvoir,  Adrien est devenu critique gastronomique, il a une émission à la radio, il fréquente assidument la mère Brazier, est ami de Fernand Point, côtoie Curnonsky. En août 1936 Adrien est  à Deauville. Puis il embarque, mais pas seul, sur un paquebot de la célèbre Compagnie Transatlantique…
Aujourd’hui nous le retrouvons, certes avec autant de plaisir, mais  au cours de l’hiver 1942 à Paris. Les temps sont difficiles comme dit le poète. S’en est fini pour beaucoup des grands dîners. Faire bombance n’est réservé qu’à quelques uns et pas les plus recommandables. Pendant que  nazis et collabos se bâfrent, les parisiens meurent de faim et de froid. Adrien est des leurs. Qu’ils sont loin les repas du Ritz. Heureusement il reste la famille et les amis du 24 de la rue Lepic.
Il faut faire savoir preuve de beaucoup d’imagination pour accommoder un pâté sans viande, une tarte sans graisse, un canard aux navets sans canard… et il fait si froid.
Une fois encore les menaces et la mort sont au rendez-vous…  Comment s’en sortiront la famille Savoisy et ses amis…
Et bien c’est à découvrir au plus vite dans Marché noir.
Bonne lecture.
Merci Michèle.
Anik Buj

« Loin de Sils Maria » de Michèle Kahn


Michèle Kahn, romancière, auteur d’un très grand nombre de romans historiques, où ses personnages, généralement des voyageurs, fréquentent aussi parfois le monde de la chocolaterie ou de la pâtisserie. Cacao publié pour la première fois en 2003 nous a entrainé en 1761 avec Lune et David sur la route du cacao du Mexique à Bayonne en passant par Saint Domingue.
Aujourd’hui  Loin de Sils Maria nous fait découvrir l’extraordinaire et véridique aventure de Gian Josty  un gamin des Grisons.
L’histoire commence en 1773 avec la naissance de  Gian Josty dans une famille très pauvre. Alors qu’il a onze ans il est  mis en apprentissage à Sils Maria chez un paysan qui le maltraite. Sils Maria est resté célèbre pour avoir accueilli plus tard Nietzsche, mais aussi Thomas Mann, Marcel Proust et bien d’autres encore.
Gian Josty va s’enfuir dans un voyage long et semé d’embûches. Il  rejoint d’abord Magdebourg où il est recueilli par un cousin de son père, Jacob, un grand pâtissier confiseur. Gian découvre les tours de main du métier. Il excelle  car il est avant tout passionné et dur à la tâche, jamais il ne compte son temps.
En possession d’un véritable savoir, devenu compagnon et ayant économisé un bon pécule, Gian devenu Johann se rend à Berlin où il va ouvrir  la confiserie Johann Josty & Co.
Son acharnement au travail et aussi son immense talent font de lui le confiseur le plus prisé de Berlin.  Il devient fournisseur de  la Cour. Quelques années plus tard il fonde le célèbre café J. Josty & Co…
L’histoire de Johann Josty ne s’arrête pas là… suspens certes mais aussi délices sucrés au rendez-vous de cette  prodigieuse aventure.
Un roman à découvrir sans plus attendre…
Merci Michèle
Anik Buj

samedi 9 juin 2018

Le Cuisinier et l’Art


Quand dix-neuf spécialistes réputés (cuisiniers, artistes, critiques, sociologues, juristes,
historiens et historiens de l’art) nous entretiennent de gastronomie, d’art, d’histoire et de leurs
relations de la Renaissance à nos jours et font entrer l’Art de la Cuisine dans la Culture…
Tout ce qu’il faut savoir sur « Ce qui fait de la cuisine un art », « du cuisinier un artiste »,
sans oublier « Ce que les artistes font de la cuisine ».
Un beau voyage à la rencontre de Pieter Aertsen à Ferran Adrià en passant par Grimod de la
Reynière, Jules Gouffé, le Club des C ent et j’en passe.
Un très bel ouvrage dirigé par Julia Csergo et Frédérique Desbuissons, aux éditions Menu Fretin.

dimanche 8 avril 2018

Le cuisinier, le manger, l’animal et son gras.


Résumé de l’intervention de Georges Carantino, historien et ethnologue de l’alimentation, le 16 mars 2018.

Notre époque semble entretenir un rapport ambigu avec le gras provenant des animaux alors que le discours ambiant vante les mérites d’huile végétales comme celle de l’olive, de la noix… Alors qu’elle met en avant, dans une consommation très élitiste et festive, une viande de bœuf comme de porc riche d’un gras prometteur de saveurs et d’odeurs plaisantes pour le mangeur, elle développe des attitudes lipophobes quant aux graisses traditionnellement consommées, les lards, saindoux, graisses d’oie ou de rognon… mais aussi rillons, rillettes et autres préparations charcutières qui faisaient les délices des repas festifs populaires tant il est vrai qu’il n’y avait pas de fêtes sans gras, comme sans sucre, dans la société traditionnelle. Toute une culture du gras animal, faite de modes d’élevage, de techniques de fabrication, de conservation, de mise en œuvre dans la cuisine et de formes de consommation constituant autant un patrimoine matériel qu’immatériel, est ainsi menacée. Un collectage et une étude de ces pratiques semblent donc nécessaires dans une perspective de patrimonialisation comme de transmission pour les garder vivantes dans une société qui ne connait plus cette soif d’un gras qui était autant rêve des pauvres que signe de richesse et assurance d’un hédonisme gastronomique balayé aujourd’hui par le discours diététique ambiant.

Le gras animal a été longtemps une matière première pour bien d’autres choses que l’alimentation : éclairage, traitement des cuirs, graissage des machines, saponification… L’arrivée des graisses issues du pétrole comme des graisses végétales coloniales, huile de palme, coprah…, a changé la donne en diminuant la demande de ces graisses animales et en baissant leur prix. Il faut évoquer la quête du gras des poissons, entre chasse à la baleine dès le Moyen-Age pour récupérer son lard consommé salé sous le nom de crapois et en extraire de l’huile, et extraction de l’huile des harengs comme des foies de morue… Mais se sont principalement les mammifères d’élevage qui sont la source du gras qui nous occupe, entre le gras de sécrétion qu’est la crème qui permet la fabrication du beurre et les graisses anatomiques, persillé des muscles, marbrures entre faisceaux musculaires, graisses de couverture et graisses fines qui entourent les rognons. L’utilisation de ces graisses comme fond de cuisson interroge leur relation avec les huiles végétales et a fait l’objet d’enquêtes ethnographiques qui cartographient l’usage des beurre, saindoux, graisse d’oie, huile d’olives…, témoignages de pratiques anciennes. Toute une culture de la récupération du gras animal libéré par la cuisson, dans la lèchefrite lors du rôtissage ou par dégraissage des bouillons, et de son réemploi dans la cuisine disparait progressivement. Il en est ainsi des savoir- faire liés aux traitements du lard après l’abattage du porc, de la levée de la panne au salage du lard gras, de sa fonte pour la fabrication du saindoux à l’obtention et l’utilisation des grattons… Reste comme consolation pour le cuisinier le rôle du gras animal pour la protection des viandes à rôtir en empêchant qu’elles ne se dessèchent, grâce au lardage, à l’utilisation de la barde, de la crépine, à l’arrosage par la graisse de la lèchefrite ou par l’utilisation du flamboir.

Pour mieux cerner cette culture du gras animal, l’historien doit savoir sortir des archives, interroger les livres autant d’agronomie et d’élevage que de cuisine ou de charcuterie, mais aussi analyser les images, peintures, photographies…. Il doit savoir regarder et interroger les objets du quotidien, outils de la pratique. Il doit savoir se faire ethnographe et aller questionner les différents acteurs qui sont encore porteurs de cette culture. Il doit savoir pratiquer une démarche d’archéologie expérimentale qui lui permettra, par le faire, de mieux saisir les techniques traditionnelles liées au recueil, au traitement du gras des animaux et à son utilisation. Collecter, analyser, expérimenter, conserver et transmettre, autant de piliers pour la patrimonialisation et la renaissance d’une culture passionnante !

Pour en savoir plus :

CARANTINO, Georges, Un regard sur le gras animal, entre anthropologie et histoire, Ethnozootechnie, n°99, 2015.

CARANTINO, Georges, Du cochon et du gland, une histoire de goût, Ethnozootechnie, n°100, 2016