Résumé de l'intervention d'Erika Wicky, post doctorante, FNRS, Université de Liège, le 2 février 2018
L’idée selon laquelle il est possible de
se nourrir en respirant l’odeur des aliments a une longue histoire, toujours
bien connue au XIXe siècle. Elle trouve son origine dans
l’antiquité lorsque les anciens prétendaient que Démocrite avait pu prolonger
ses jours en humant l’odeur du pain chaud et que Pline et Plutarque
rapportaient l’existence des Astones, population indienne dépourvue de bouche
et ne se nourrissant que d’odeurs. Au XVIIe siècle, cet
imaginaire prend la forme de scènes de repas de parfums développées dans les
fictions d’auteurs aux postures aussi différentes que celles de Fénelon et de
Cyrano de Bergerac. À une époque où la nature moléculaire des odeurs, qui sont
parfois envisagées comme des ondes, demeure impossible à prouver, les auteurs
et les artistes du XIXe siècle reprennent souvent ces
occurrences anciennes de repas d’odeurs. Ils convoquent aussi cet imaginaire
pour aborder des problématiques contemporaines comme la chasse aux odeurs de
cuisine opérée par les hygiénistes. Les odeurs de repas matérialisent également
la promiscuité suscitée l’urbanisation et les inégalités sociales, qui forcent
les plus pauvres à sentir les mets qu’ils ne peuvent savourer. Enfin, les
odeurs alimentaires cristallisent les craintes suscitées par les progrès de
l’industrie chimique que l’on soupçonne d’envahir le domaine de l’alimentation.
Entre réminiscences historiques et spéculation scientifique, l’imaginaire des
repas d’odeurs renseigne ainsi autant sur l’évolution des conceptions de
l’alimentation que sur les changements survenus dans les sensibilités
olfactives.
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