Intervention de Matthieu Aussudre (Chercheur indépendant en
histoire contemporaine)
André Guillot est un cas singulier dans
l’histoire de la haute cuisine française. Formé à l’école des maisons
bourgeoises, chef propriétaire dans les années 1950, coqueluche de Gault-Millau
et considéré comme un précurseur de la Nouvelle Cuisine aujourd’hui, sa
carrière professionnelle est un véritable témoignage sur l’évolution de notre
haute cuisine au XXe siècle.
C’est en octobre 1924, à l’âge de 16 ans,
qu’il entre dans les cuisines de l’ambassade d’Italie à Paris comme
apprenti-cuisinier, après un apprentissage chez un traiteur à Chantilly. Cette
entrée dans la corporation des cuisiniers de maisons bourgeoises va lui donner
accès à un grand nombre de maisons prestigieuses où il va parfaire sa
formation, dont celle de l’écrivain surréaliste Raymond Roussel ou encore chez
la Marquise de Polignac. Entre 1928 et 1932, il s’engage volontairement dans la
Marine Nationale. Lors d’une campagne dans l’océan indien, Guillot est
réquisitionné pour mater une mutinerie de punis. Il y reçoit un coup de gourdin
dans le ventre qui provoque une lésion importante des intestins. Dès lors, il
ne pourra plus jamais se nourrir comme avant.
En 1952, il achète l'Auberge du Vieux Marly à
Marly-le-Roi dans les Yvelines afin d'être propriétaire et il va y rencontrer
un grand succès critique au milieu des années 1960. Usé par le métier, il
fermera le restaurant en 1972, un avant le lancement médiatique de la
« Nouvelle Cuisine Française » par Gault-Millau. Un mouvement de
rupture, qui met en avant une cuisine légère, plus simple, plus libre, plus en
adéquation avec son époque. Mais à la lumière de nombreux témoignages et à la
lecture de ses deux livres (La Grande Cuisine Bourgeoise et La Vraie
Cuisine Légère), il semble qu'André Guillot ait été précurseur sur de
nombreux sujets, notamment dans l'allégement de la cuisine. Ne pouvant plus se
nourrir normalement, Guillot a mis au point de nouveaux principes de liaison
des sauces, a prôné une autre alimentation en jetant tous les symboles de la
cuisine de l'après-guerre tels que la sauce espagnole, les sauces collées et le
vol-au-vent et ce presque vingt ans avant que Guérard, Troisgros, Senderens et Chapel
fassent de même.
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