Intervention de Nathalie Peyrebonne
À partir de la fin du Moyen Âge, l’Espagne, comme ses voisins européens, va accorder un statut
renouvelé au cuisinier, personnage œuvrant en
coulisse, associé au sang, au sale, aux entrailles malodorantes, jusqu’alors
peu estimé socialement, voire peu recommandable. Certes, les textes publiés en Espagne aux XVIe et XVIIe
siècle s’appuient encore largement sur toute une série de représentations
héritées de l’époque qui précède et bon nombre de moralistes voient les
cuisiniers comme des agents de perversion morale, qui participent à cette
inflation du luxe, des frais de représentation qui font de la société de
l’époque, selon eux, une société malade. Mais les cuisiniers, qui signent les
premiers livres de cuisine, sont peu à peu intégrés à ces nouvelles
sociabilités qui elles-mêmes se trouvent au centre des réflexions visant à
définir ce que peut alors être un courtisan, figure d’homme idéal en
construction. La cuisine fait la table, et la table est devenue une scène
incomparable où l’homme va pouvoir manger mais aussi converser, rire, se
mouvoir, en un mot, exister, un noyau de sociabilité dont les enjeux dépassent
très largement l’ingestion alimentaire.
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