jeudi 15 février 2018
Evolution des recettes de chocolat en France au travers des traités de chocolat, des livres d’office et de cuisine des 17ème et 18ème siècles.
Résumé
de l’intervention d’Anik Buj, historienne de l’alimentation, 2 février 2018.
Il est
commun d’affirmer que le chocolat à l’époque moderne était seulement une
boisson, pourtant à la lumière des premiers traités sur le chocolat, des
dictionnaires, des traités culinaires, il apparaît qu’il pouvait entrer dans la
composition d’entrées ou d’entremets servis au cours des repas ou encore de
desserts servis en fin de repas ou être consommé l’après-midi ou en soirée sous
forme de confiseries.
Il est
vrai que bien des correspondances, des
mémoires, des romans d’alors de même que l’iconographie ou les objets utilisés
à sa fabrication ne présentent généralement que le chocolat pris en boisson,
d’où l’habitude d’affirmer que ce mode de consommation, désigne comme
représentatif des XVIIème et XVIIIème siècles, était alors le seul.
Pourtant
en 1643 il apparaît que l’ « on fait des tablettes de chocolat par
friandise », en 1680 que « le
chocolat est une petite sorte de pâtisserie délicate où il entre du
chocolat », en 1685 que l’ « on peut prendre le chocolat en
manière solide, car il s’en fait des dragées, des biscuits, du massepain et
plusieurs autres sortes de friandises», mais surtout en 1691 paraissent dans un
traité culinaire les deux premières recettes au chocolat. Il s’agit d’une
« crème de chocolat » et d’« une macreuse en ragoût au
chocolat ». La mode est lancée. Les recettes se multiplient tant dans les
traités culinaires et d’office que d’économie domestique. Nous aurons de
multiples recettes de crèmes, biscuits, tourtes, tartelettes, gaufres,
diablotins, pastilles, dragées, mousses, glaces, sorbets au chocolat voire même au cacao.
Dans le même temps les pratiques culinaires
progressent par les usages du bain-marie ou de la sorbetière, mais aussi par l’introduction
de nouveaux modes de préparation
appliqués au chocolat comme celui de la crème pâtissière… qui vont
considérablement améliorer les premières crèmes
dans lesquelles, alors qu’au départ il n’était là que pour la couleur, le chocolat va
très vite être utilisé pour le goût qu’il va donner à ces préparations. En
l’espace d’un siècle la maîtrise du chocolat s’améliore considérablement et le
chocolat grâce à des hommes de talent devient un véritable produit culinaire.
lundi 12 février 2018
« Et où diable est ce potage ? » : une petite histoire des repas d’odeurs.
Résumé de l'intervention d'Erika Wicky, post doctorante, FNRS, Université de Liège, le 2 février 2018
L’idée selon laquelle il est possible de
se nourrir en respirant l’odeur des aliments a une longue histoire, toujours
bien connue au XIXe siècle. Elle trouve son origine dans
l’antiquité lorsque les anciens prétendaient que Démocrite avait pu prolonger
ses jours en humant l’odeur du pain chaud et que Pline et Plutarque
rapportaient l’existence des Astones, population indienne dépourvue de bouche
et ne se nourrissant que d’odeurs. Au XVIIe siècle, cet
imaginaire prend la forme de scènes de repas de parfums développées dans les
fictions d’auteurs aux postures aussi différentes que celles de Fénelon et de
Cyrano de Bergerac. À une époque où la nature moléculaire des odeurs, qui sont
parfois envisagées comme des ondes, demeure impossible à prouver, les auteurs
et les artistes du XIXe siècle reprennent souvent ces
occurrences anciennes de repas d’odeurs. Ils convoquent aussi cet imaginaire
pour aborder des problématiques contemporaines comme la chasse aux odeurs de
cuisine opérée par les hygiénistes. Les odeurs de repas matérialisent également
la promiscuité suscitée l’urbanisation et les inégalités sociales, qui forcent
les plus pauvres à sentir les mets qu’ils ne peuvent savourer. Enfin, les
odeurs alimentaires cristallisent les craintes suscitées par les progrès de
l’industrie chimique que l’on soupçonne d’envahir le domaine de l’alimentation.
Entre réminiscences historiques et spéculation scientifique, l’imaginaire des
repas d’odeurs renseigne ainsi autant sur l’évolution des conceptions de
l’alimentation que sur les changements survenus dans les sensibilités
olfactives.
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